Back from… Cap d’Antibes Beach Hotel

21 juil.

Feel good !

Un fil rouge ne porte pas toujours sa couleur. Au Cap d’Antibes Beach Hotel, c’est le rose ou plutôt le rosé, provence oblige, qui donne le ton d’une partition aussi enjouée que mesurée. Ce choix loin d’être anodin lui sied plutôt bien. Même sa position quelque peu controversée entre route et marina s’en trouve par là adoucie. Loin de la carte postale idyllique et des vues pleine mer de ses comparses alentours dont les prix se hissent par ailleurs à la hauteur de leurs positions exclusives et dominantes, le Cap d’Antibes Beach Hotel bordé par la marina d’Antibes dont les mats des bateaux servent de toile de fond à la plupart de ses 35 chambres et suites ne manque pour autant pas de caractère. Entièrement repensé, il y a déjà deux étés, par Bernard Dubois l’architecte belge qui s’est fait connaître par l’agencement sobre et réfléchi de nombreuses boutiques, de Givenchy à Aesop et plus récemment du Standard Bruxelles, le Cap d’Antibes Beach Hotel a bénéficié de la vision plurielle de ce dernier, celle d’un hôtel de bords de mer des années trente influencé par les villas modernistes de la côte et plus généralement par les codes d’une architecture outre-atlantique balançant entre Californie et Floride. En dégageant les volumes du batiment, en jouant la carte de la géométrie avec des lignes claires et en privilégiant le rapport de l’ombre et de la lumière, il a réussi à faire émerger un objet plutôt radical et presque brutaliste assez inédit pour la destination. Crépis et granits clairs, sols en pierres cassées dit en casson, mobilier et lambris de bois blanchis y sont à l’unisson.

« Bernard Dubois a déroulé ici sa vision d’un hôtel de bords de mer des années trente influencé par les villas modernistes de la côte et plus généralement par les codes d’une architecture outre-atlantique balançant entre Californie et Floride »

De facto, l’établissement repris et imaginé par Chapitre Six, à qui l’ont doit notablement le très japonisant Hotel Hana par Laura Gonzales à Paris, le bucolique Hotel de la Ponche à Saint Tropez revampé par Stefano Casiraghi ou la toute récente Folie Barbizon s’est imposé comme une adresse atypique pour un Relais & Chateaux. Avant la réouverture de l’iconique Bus palladium ou celle tout aussi prochaine du Chalet Saint Georges à Megève le petit groupe qui monte signait là son premier véritable coup d’éclat ou de blush plus exactement. Partout, le rose s’invite de la lumière du matin caressant l’onde des flots à celle du soir incendiant les lattes vernissés du restaurant étoilé posé en vigie sur la mer. Matelas et parasols bien sûr se parent de cette même couleur tour à tour dragée, bonbon ou pêche mais aussi les banquettes immenses du lobby, les coussins des assises en terrasse des chambres, le marbre des salles de bains au raffinement et à la pureté extrême. Il s’en dégage une joie de vivre évidente tout au long de la journée et un sentiment d’apaisement une fois son cocon regagné en fin de journée. Toutes les pièces de mobilier dessinées et réalisées sur-mesure pour l’hôtel par Bernard Dubois dans des bois sombres et exotiques jouent là-encore les contrastes rappelant l’aménagement des bateaux. Des coursives menant à la plage aux hublots aménagés dans les facades dans lesquelles se reflètent l’azur de la mer et du ciel, la métaphore file en liberté à l’instar du fameux dallage que l’on arpente à pieds nus tout du long et jusque sous les douches à l’italienne. Bien que contraint par sa taille et son emplacement le Cap d’Antibes Beach Hotel n’en reste pas moins fluide et grand ouvert sur l’extérieur. Le jardin exotique imaginé par Arnaud Casus rappelant les célèbres parcs d’acclimations de la côte déborde par touches mesurées ici et là au détour des patios ou des rez-de-jardin ourlant la Méditerranée qui s’offre ici en mode privé.

« Des coursives menant à la plage aux hublots aménagés dans les facades dans lesquelles se reflètent l’azur de la mer et du ciel, la métaphore file en liberté »

La plage du Cap d’Antibes Beach Hotel bien qu’étroite se taille en effet une part de choix sur le littoral offrant un accès idéal à une baie à laquelle il est fort difficile de résister quand la piscine en surplomb et à débordement recueille plutôt la faveur des enfants ici bienvenus. On l’arpente à la nage bien sur et de préférence le matin avant que clients et locaux n’investissent les lieux impatients de goûter à ses plaisirs comme à la cuisine toujours inspirée d’Assaf Granit pilotant ici le restaurant Baba littéralement pieds dans le sable, mais aussi en pédalo de bon ton aux couleurs de l’établissement. Avec les Iles de Lérins en toile de fond, on ne boude pas son plaisir. Raccords avec Baba, sa cuisine solaire et son ambiance levantine, le bar en rotonde comme la roulote du glacier ne détonnent pas dans ce décor volontairement américanisé et enjoué qui claque comme une bulle de Malabar, rose évidemment.

« Le Cap d’Antibes Beach Hotel, avec ses petites cabines de plage et son ambiance “feel good”, voit clairement la vie en rose, donnant à cette partie de la côte une accessibilité renouvelée »

Entre le « Bigger splash » de David Hockney et les « Poolside » de Siim Aarons, le Cap d’Antibes Beach Hotel, avec ses petites cabines de plage et son ambiance “feel good”, voit clairement la vie en rose, donnant à cette partie de la côte, habituel refuge des milliardaires, une accessibilité renouvelée notamment pour partir en famille ou avec son animal de compagnie sans rien sacrifier à ses exigences de confort ou d’esthétique. Le restaurant étoilé de Nicolas Rondelli avec son sol en travertin flammé, ses colonnes en inox poli, ses murs panneautes en bois d’acajou, ses nappes blanches et son argenterie prêtes à attirer les derniers rayons du soleil, les miroirs et les chromes brillants des mini-bars ou des salles de bains mais aussi les vitraux délicats les séparant des chambres, les bureaux et dressings xxl ne laissent pas planer de doute, le Cap d’Antibes Beach Hotel a tout d’un grand mais enlevé et joyeux. Un vrai “feel good” hotel !

Mots : Patrick Locqueneux

Images : Olivier Chevalier & Patrick Locqueneux