Back from… Es Raco d’Arta
L’autre face de Majorque et bien plus encore…
“C’est une de ces vues qui accablent parce qu’elles ne laissent rien à désirer, rien à imaginer. Tout ce que le poète et le peintre peuvent rêver, la nature l’a créé en cet endroit…” On ne peut s’empêcher de penser à George Sand, auteur de ces lignes dans “Un Hiver à Majorque”, quand on découvre Es Raco d’Arta.
L’île, qui a enchanté de Sand à Morand en passant par Reignier, cache encore quelques surprises qui auront échappées au tourisme de masse et à une hégémonie teutonne toujours en vogue. Es Raco d’Arta est l’une d’elles. Sur la longue route balisée qui mène de l’aéroport aux monts du Parc Naturel de Llevant et à cette singulière adresse, les moulins abandonnés et les champs encore en activité viennent à nous rappeler que comme pour de nombreuses destinations, il y a toujours une face B à un disque trop longtemps écouté.
Oui, Majorque ne saurait se résumer au 17ème des Lands allemands. Les créateurs d’Es Raco d’Arta, comme beaucoup ces derniers temps, ont compris que l’ile se devait de renouer avec ses racines et livrer au monde une autre facette d’elle-même. Après avoir développé et construit nombre des plus importants hotels et résidences de l’ile, Antoni Esteva & Jaume Danus ont décidé à leur âge respectable d’inverser le cours des choses et d’aller au bout d’une pratique vertueuse visant à l’essentiel. Veillant à la préservation d’un bâti exceptionnel comme au respect d’un environnement naturel xxl, en donnant la parole à l’héritage majorquin et en s’ouvrant conjointement à l’art contemporain, ils ont livré au prix de 10 ans d’efforts leur testament personnel et peut-être celui d’une île toute entière. Es Raco d’Arta est né de ce nouveau rapport entre nature, art et architecture, un dialogue empreint de poésie et de sensibilité qui s’invite partout où le regard se pose.
Si l’on devait résumer ce Es Raco d’Arta, empruntons à Maurice Barrès ces quelques lignes qui résonnent ici avec la plus grande acuité “Il est des lieux où souffle l'esprit... Il est des lieux qui tirent l'âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l'émotion…” Par quelle que porte où l’on pénètre, par quelle que fenêtre où le regard s’envole, partout submerge cette sensation de toucher à l’immanent voire au divin.
A l’instar de certains Aman qui donnent à voir le monde, dans lequel ils s’intègrent à la perfection, sous un jour aussi rare que précieux, Es Raco d’Arta livre sa vision très personnelle d’une nature et d’un temps à célébrer avec tous les sens…. à l’exception peut-être de celui du goût. Si la cuisine s’y montrait à la hauteur, le corps comme l’esprit s’y trouveraient heureusement et unanimement rassasiés. Gageons que dans un temps assez court, on finisse pourtant par trouver dans la cuisine, l’extrême rigueur et la belle imagination qui s’expriment partout ailleurs.
Pour l’heure, Es Raco d’Arta invite sans retenue que cela soit par le regard, l’ouïe, l’odorat ou le toucher à une communion avec la nature et à une reconnexion avec le temps qui mènent indubitablement à la re-découverte de soi. Les volumes grandioses cerclés de murs étincelants et chaulés de blanc, le vert tendre des feuillages bruissant sous la brise, la pierre rugeuse et sèche dardant sous le soleil, les grenouilles et les cigales vocalisant de conserve, le bleu du ciel et de la piscine se confondant dans un miroir, la peinture de Miquel Barcelo et la céramique de Jaume Roige entre autres s’exposant avec retenue à cette lumière magnifiant tout sur son passage y participent sans relâche.
Et pour peu que l’on séjourne dans une des “casita” de préférence avec bassin privatif, l’on peut alors prendre toute la mesure de ce vocabulaire vernaculaire comme de cette vision pastorale quasi mystique qui s’offre à soi, non pas que les suites de la bâtisse principale datant du 13ème siècle ne déméritent. Au contraire, la plupart d’entre-elles offrent ce merveilleux et salutaire tête à tête avec la nature et toutes se parent des mêmes tonalités de blanc pur, bis et grège faisant la part belle aux matières naturelles allant du coton au bois d’olivier en passant par le lin ou le liège. Par cette vision globale, rustique voire ascétique, débarrassée de toute frivolité et tenue de bout en bout, l’esprit comme les corps se montrent allégés, radicalement rassérénés et en accord avec l’environnement.
C’est en cheminant aux aurores peut-être, vers l’impressionnante salle de méditation située dans l’ancienne grange, en empruntant les chemins tortueux, longeant les bassins irrigués, respirant les parfums laissés par la rosée et se délectant du premier chant des oiseaux que l’on prend conscience que le chemin vers soi-même n’est peut-être pas le plus court mais bien le plus heureux. Chaque jour, Es Raco d’Arta propose un programme de reconnexion que chacun est libre de suivre ou de poursuivre dans le cadre du spectaculaire spa, le premier de sa génération entièrement auto-alimenté et à émission négative. D’autres ateliers d’initiation et d’autres chemins poursuivent cette même logique exploratoire et transformative à la rencontre de soi et de son environnement.
Ne rien faire et tout ressentir pourrait être le parfait mantra de cette enclave où le silence peut se faire entendre et une voie possible vers un autre monde se laisser entrevoir. L’histoire d’Es Raco d’Arta n’en est pourtant encore qu’à ses balbutiements, à l’image de ses vignes et de ses champs d’olivier qui donneront bientôt le meilleur d’eux-mêmes, mais la promesse est belle et bien là, pour soi, pour l’île de Majorque comme pour le monde.
Mots : Patrick Locqueneux
Images : Patrick Locqueneux & Olivier Chevalier
À partir de 350€/nuit
petit déjeuner • surclassement selon disponibilité • early check-in & late check-out selon disponibilité • accueil personnalisé